Théâtre aux Mains Nues, Le Grand-père fou
Notice
A l'occasion de la première édition du festival « Les Semaines de la marionnette française à Paris », en 1981, reportage sur Le Grand-père fou, création par le Théâtre aux Mains Nues du « drame d'objets pour comédiens et marionnettes » de Paul Eloi (Eloi Recoing), mis en scène par Alain Recoing. Entre deux extraits joués par Karina Cheres, Pierre Blaise, Gérard Abela et Alain Recoing, ce dernier évoque la recherche contemporaine et la force que retrouvent les marionnettes à une époque de prépondérance de l'image.
Éclairage
Alain Recoing (né en 1924) est une des grandes figures de la marionnette française, autant par la cinquantaine de spectacles qui jalonnent sa fructueuse carrière – joués devant des adultes ou des enfants, en France comme à l'étranger, dans des écoles, dans la rue, dans des opéras ou des théâtres nationaux – que par son inlassable activité militante pour la reconnaissance pérenne des arts contemporains de la marionnette, et son action déterminante dans le domaine de la transmission.
Il a non seulement enseigné à l'École Supérieure Nationale de la Marionnette de Charleville-Mézières ainsi qu'à l'Université Paris III-Sorbonne Nouvelle, mais a aussi constitué depuis 1995 une structure de formation recherchée au sein du local parisien de son Théâtre aux Mains nues - lieu de création et de diffusion – faisant ainsi de ce dernier une importante plateforme d'aide aux jeunes artistes, conventionnée comme « lieu compagnonnage marionnette » par le Ministère de la culture.
Alain Recoing a connu de multiples expériences de marionnettiste et de metteur en scène depuis sa participation, en 1948, au Théâtre des marionnettes à la française de Gaston Baty, qui lui permit d'acquérir une grande maîtrise dans la manipulation de la gaine lyonnaise. Il forme tout d'abord, en 1950, la Compagnie des Trois qui restera programmée pendant deux ans au cabaret de l'Ecluse, à Paris. Il crée ensuite pour la télévision l'émission hebdomadaire Martin-Martine (1953-1957) et intervient avec ses marionnettes dans plusieurs grandes dramatiques. En 1957, Alain Recoing fonde sa propre compagnie – Martin, Martine – à l'occasion de la création de La Petite Clef d'or d'Alexis Tolstoï, adaptée et mise en scène au théâtre du Vieux-Colombier par son ami Antoine Vitez. Ce sera le début d'une longue collaboration entre les deux hommes, au Théâtre du Quotidien de Marseille, au Théâtre des Quartiers d'Ivry, puis au Théâtre National de Chaillot. En 1976, La Ballade de Mister Punch, écrite par son fils Eloi, et mise en scène par Antoine Vitez, donne un nouveau nom à la compagnie, le Théâtre aux Mains Nues. Divers textes d'Eloi font l'objet de créations d'Alain Recoing : Le Grand-père fou en 1981, La Tentation de Saint-Antoine en 1982, Manipulsations en 1984, La Conjoncture de Babel en 1987 et 1989.
A propos du Grand-père fou, il raconte qu'il a proposé plusieurs idées à son auteur de fils et que celui-ci « en a fait tout autre chose en restant dans le même esprit : un vieil homme, dans son logement où se sont accumulés les objets hétéroclites de son existence, est à l'agonie. Ses trois enfants, à la recherche d'un trésor caché, essaient d'accélérer sa mort. A partir de cette situation, l'écriture dramatique est devenue le regard ironique d'un fils sur la mort du père. [...] Le Grand-père fou a donné naissance à un texte et à des situations surréalistes très propres à l'écriture théâtrale par les marionnettes. Ce spectacle est sans doute celui qui me tient le plus à cœur ».
Alain Recoing a ouvert des voies contemporaines pour la tradition de la gaine : le castelet éclaté, avec le scénographe Thierry Vernet, pour Manipulsations, « composé de huit panneaux en plexiglas noir et blanc, tantôt pleins, tantôt découpés, manipulés sur une semelle qui permettait de les faire coulisser. [...] Castelet perverti, manipulable, donc entrant dans le jeu d'une manipulation totale, permettant de phraser le texte comme avec une marionnette, proposition imaginaire infinie de lieux multiples sans aucune référence au réalisme » ; puis avec l'acteur-manipulateur Nicolas Goussef, le corps-castelet, c'est-à-dire le corps du marionnettiste, à vue, comme espace scénographique autour duquel évolue la marionnette, et l'action dramatique.
Après avoir rédigé le chapitre « Les marionnettes » dans L'Histoire des spectacles (éditions Gallimard, collection Pléiade, 1965), et de nombreux articles théoriques sur son art, Alain Recoing a livré un regard sur tout son parcours de praticien du XXe siècle dans Les Mémoires improvisés d'un montreur de marionnettes (éditions L'Entretemps-Institut International de la Marionnette) en 2011.
[1] Pour plus d'informations sur Alain Recoing, voir ce Grand Entretien